Dessin animé
The missing identity
J'ai découvert tout récemment l'univers photographique de Noé Sandas:
Le point aveugle du visage
Présentation :"Ce livre rassemble des réflexions sur les particularités évolutives de la photographie et sa relation aux autres arts visuels, à la littérature, à la vie artistique et culturelle. Il ne constitue pas une thèse mais un écrit d'artiste traversé par des lignes théoriques. Son idée centrale: la photographie n'est pas une entité fixe, mais elle présente des singularités qu'on ne saurait ignorer. Cet essai comprend un certain nombre d'images historiques ou contemporaines qui sont convoquées en exemples et qui font l'objet d'un bref commentaire.
Inspirées par un amour intense de la photographie, les pages qui suivent ne cherchent en aucune manière à en dresser une théorie. Peut-être supposent-elles même, dans leur nomadisme, qu'un tel projet relèverait de l'impossible. Elles tentent de cerner l'un de ses pouvoirs les plus étranges, souvent qualifié d'«effet de réel». Source d'un plaisir unique face à la beauté du monde, d'une inépuisable interrogation sur la nature de la réalité, sur le statut des événements historiques et de la violence sociale, sur la définition changeante de l'art, de la mémoire ou du soi, marqueur des effets de la technologie sur nos perceptions, et par-dessus tout de la plasticité du temps, cet effet est également le motif d'une remise en question constante de la photographie par elle-même. Les images sont des objets auxquels nous aimons croire, mais aussi ne pas croire. On ne s'étonnera pas de trouver ici des développements, parfois polémiques, sur la porosité des frontières entre des pratiques institutionnellement considérées comme artistiques et d'autres qui semblent échapper à cette qualification."
(A ce propos, si vous cliquez sur la couverture du livre, vous pouvez suivre en podcast une interview d'Arnaud Claass sur France Culture)
Extraits :
"Eternel débat sur le rôle de la "psychologie" dans le portrait. Notion sujette à polémique s'il en est, objet d'une négligence constante quant à sa définition. Certains disent d'un portrait exagérément expressif qu'il est psychologique. Mais quelle est exactement la psychologie visée par cette critique acerbe? Celle, liée à l'usage courant du mot, des caractères et des penchants individuels, des comportements affectifs? Celle des modes de réaction aux autres et aux situations de la vie? Celle des psychologues cliniciens? Celle du vieux culte de l'intériorité? Ou encore celles des "types psychologiques" inventoriés dans la nomenclature de Carl Gustav Jung, celle de l' "analyse transactionnelle" de Gregory Bateson? Affrontement bien connu entre ceux qui, dans le domaine de la photographie, croient ou ne croient pas à l'expression. Certains attribuent au médium la capacité de restituer la complexité des personnes. Certains la lui dénient. D'autres refusent la nécessité même de cette restitution. Brassaï, par exemple, pense que les traits du visage au repos, sans expression particulière, détiennent, comme une sorte de réserve, la totalité des expressions potentielles de chaque être humain -un peu comme ce sage chinois évoqué par François Jullien, qui s'abstient finalement de jouer du luth car l'instrument contient alors tous les sons possibles." (Arnaud Class, Le réel de la photographie, page 22-23).
"(...) en établissant pour la communauté des humains l'archive d'un visage, le portrait tire ce dernier hors du cours de la durée par laquelle, dans laquelle et pour laquelle chacun de nous maintient l'idée d'une unité de son moi. Et si, toujours dans ce cas de portraits par images multiples, nous sommes en quelque sorte fascinés aussi par ce que nous ne voyons pas, par ce qui se passe "entre" tel portrait précis et celui qui le précède ou lui succède, c'est parce que ces vides inter-iconiques semblent encore contenir des états non archivés du visage : des moments de son être qui se sont bien produits mais qui n'ont pas été enregistrés, et par conséquent n'ont pas "existé". Les images manquantes sont précisément le lieu de la constance introuvable.(...) Si un portrait est une archive de quelqu'un, il faut garder à l'esprit que toute archive, quelle qu'elle soit, est une production d'oubli."(Arnaud Claass, Le réel de la photographie, page 30)
Avenir arable
Voici une lecture pour cet été: L'arabe du Futur de Riad Sattouf. Il s'agit d'une sorte de roman-bande-dessinée auto-bio-graphique de 160 pages, paru le 15 mai 2014. Voilà ce que l'on peut lire dans la présentation éditoriale :
Né d’un père syrien et d’une mère bretonne, Riad Sattouf grandit d’abord à Tripoli, en Libye, où son père vient d’être nommé professeur. Issu d’un milieu pauvre, féru de politique et obsédé par le panarabisme, Abdel-Razak Sattouf élève son fils Riad dans le culte des grands dictateurs arabes, symboles de modernité et de puissance virile.
En 1984, la famille déménage en Syrie et rejoint le berceau des Sattouf, un petit village près de Homs. Malmené par ses cousins (il est blond, cela n’aide pas…), le jeune Riad découvre la rudesse de la vie paysanne traditionnelle. Son père, lui, n’a qu’une idée en tête : que son fils Riad aille à l’école syrienne et devienne un Arabe moderne et éduqué, un Arabe du futur.L’Arabe du futur sera publié en trois volumes. Ce premier tome couvrela période 1978-1984."
En guise de bonus, ces quelques vers du poète syrien Nizar Qabbani :
Lorsqu'en Orient, naît la lune
Les blanches terrasses s'assoupissent
Dans des amas de fleurs,
Les gens abandonnent leurs échoppes
Et vont ensemble
A la rencontre de la lune.
Ils portent leur pain, leur phonographe
Et les accessoires de leur drogue
Jusqu'au sommet des montagnes.
Ils vendent et achètent
Rêves et rêveries
Et se meurent
Quand la lune est en vie.
Que fait de mon pays
Un filet de lumière?
Que fait-il du pays des prophètes
Et des âmes naïves
Celles qui mastiquent leur tabac
Et qui font le commerce
De la drogue?
Pendant les nuits d'Orient
Où pleine lune devient le croissant
L'Orient lui se dévêt
De toute dignité,
Démissionne de tout combat.
Les millions qui courent sans sandales
Qui croient en la quadrigamie
Et en la fin du monde,
Les millions qui ne rencontrent le pain
Que dans le rêve
Qui, la nuit, habitent les masures de la toux,
Qui jamais n'ont connu la forme des médicaments,
Meurent, cadavres, sous la lune,
Dans mon pays
Où les âmes naïves pleurent
Et meurent dans leurs larmes
Chaque fois que leur apparaît le croissant,
Et pleurent davantage
Chaque fois qu'un luth plaintif les émeut,
Chaque fois que les émeut
L'hymne à la nuit du "Ya Lili"
Mort qu'en Orient
Nous appelons "Tawashih" et "Ya Lili".
Dans mon pays
Celui des âmes naïves
Où nous ruminons les longs vers des tawashih
Cette tuberculose qui détruit l'Orient,
Ces longues rengaines chantées,
Ce notre Orient qui rumine
Histoire, rêves langoureux et légendes surannées,
Cet Orient recherchant tout héroïsme
Dans la Geste
De Abu Zaïd al Hilali.
(Nizar Qabbani, poème: Pain, haschich et clair de lune, 1954)
Si vous cliquez sur le nom qui clôt le poème, vous pouvez visualiser une miniature de ce sanguinaire qui a ravagé en son temps l'Afrique du Nord.
Oui le Pharaon nique!
Une semaine faste côté élections en Egypte et en Syrie. Avec dans les deux cas des scores pharaoniques! Le dit maréchal 'Abdel Fattah al-Sissi a obtenu à l'image de son prédecesseur et après plusieurs prolongations significatives pratiquement 97% des voix. Son voisin syrien le talonne de près avec un score stalinien de l'ordre de 88%. No comment...
Pour la circonstance, ce poème de Nizar Qabbani intitulé "Dilemme"
De l'harmonie du corps et de l'esprit soufis
El Instituto Cervantes de Fez se complace en invitarle al acto siguienteيتشرف معهد ثربانتس بفاس لدعوتكم لحضور النشاط التالي
Exposición
LA ARMONÍA DEL CUERPO
Y EL ESPÍRITU SUFÍ
A cargo del artista
Azzelarab Touda
معرض
انسجامية الجسد و الروح الصوفية
للفنان
عز العرب تودة
Inauguración
Viernes 23de mayo de 2014a las 18.30horas
Sala de Exposiciones del Instituto Cervantes, Fez
La muestra permanecerá abierta hasta el 18 de junio de 2014
الإفتتاح
يوم الجمعة 23 مايو 2014، على الساعة السادسة والنصف مساءً
بقاعة عروض المعهد الثقافي الإسباني ثربانتس، فاس
يستمر العرض مفتوحاً إلى غاية 18 يونيو 2014
Les yeux des autres
Sou - hait
La courante
"Comment ne pas trop patauger dans cette flaque des habitudes ? Comment ne pas laisser échapper la saveur des instants ? Trouver encore des mots pour ce qui est unique ? S'étonner un peu plus chaque jour ? Comme je ne tiens plus à m'expliquer tout ce qui se passe, je me contente d'accompagner, le plus loin possible, ce qui ne fait que couler.
Malgré tout, je suis parvenu à me faire à l'idée d'être moi-même, à ne plus m'irriter d'occuper cette place singulière : ma peau, les points cardinaux de mon corps, jeté en ce coin du monde, à l'abri de mon front, à l'abri de mes yeux, à l'abri du col relevé de mon vieil imperméable, seul à affronter la palpitation de mes organes, seul sur le réseau de mes nerfs, seul à subir le déroulement de ce film où mon visage ne fait que des apparitions d'étranger, seul à sentir l'écoulement du fleuve qui m'emporte autant que je le porte en moi comme un enfant.
Sentir l'ego qui s'aiguise, l'égoïne tranchant net entre moi et non-moi : cela peut devenir facile ! Effrayant mais facile.
Je suis, donc je pense, donc je doute. Définitivement.
Tout en avançant, bien sûr. Capitaine du sous-marin fantôme, responsable de ma carlingue, comptable de mes fêlures, bourré de savoirs disparates, de projets, de désirs, de contradictions. Frappé de temps en temps par les coïncidences comme par de frêles météorites.
Tout à coup, me voici renversé, écrasé par l'inversion brutale de tous les signes. Il y avait ces fleurs, partout, dans la vallée, et la blancheur des dernières neiges sur les sommets, et la route qui se glissait dans le bleu et la douceur : mais tout vire brutalement à l'angoisse, sans raison, une angoisse d'autant plus grande qu'elle n'est que le pressentiment d'une horreur qui me dépasse et dont je ne parlerai jamais. L'asphalte sous les pas comme une pierre tombale interminable et craquelée. Les passants hors d'atteinte, fantômes maquillés de rire et de crème blanche.
À l'improviste, l'odeur urbaine de l'échec, la couleur mondiale du dégoût.
« Pourtant je suis là », me dis-je. Calme, nerveux, vigilant. À la fois inquiet en surface et tellement calme dans les grands fonds. Et je me répète qu'aux pires instants, les troublés, les derniers, je pourrai toujours compter sur ma discrète présence à bord du Nautilus vibrant et vieillissant, dans les courants, dans les remous. Le temps derrière moi, comme un sillage qui s'étire au-dessus de la fosse glauque du souvenir. À bord de la forteresse-bolide, le vieux loup au loup noir tricote son énigme." (Pierre Peju la vie courante)