Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Terre comme piédestal
Publicité
La Terre comme piédestal
Derniers commentaires
4 janvier 2014

Les quatre sans cou

Robert Desnos: Les quatre sans cou

Ils étaient quatre qui n’avaient plus de tête,
Quatre à qui l’on avait coupé le cou,
On les appelait les quatre sans cou.

Quand ils buvaient un verre,
Au café de la place ou du boulevard,
Les garçons n’oubliaient pas d’apporter des entonnoirs.

Quand ils mangeaient, c’était sanglant,
Et tous quatre chantant et sanglotant,
Quand ils aimaient, c’était du sang.

Quand ils couraient, c’était du vent,
Quand ils pleuraient, c’était vivant,
Quand ils dormaient, c’était sans regret.

Quand ils travaillaient, c’était méchant,
Quand ils rôdaient, c’était effrayant,
Quand ils jouaient, c’était différent,

Quand ils jouaient, c’était comme tout le monde,
Comme vous et moi, vous et nous et tous les autres,
Quand ils jouaient, c’était étonnant.

Mais quand ils parlaient, c’était d’amour.
Ils auraient pour un baiser
Donné ce qu’il leur restait de sang.

Leurs mains avaient des lignes sans nombre
Qui se perdaient parmi les ombres
Comme des rails dans la forêt.

Quand ils s’asseyaient, c’était plus majestueux que des rois
Et les idoles se cachaient derrière leur croix
Quand devant elles ils passaient droits.

On leur avait rapporté leur tête
Plus de vingt fois, plus de cent fois.
Les ayant retrouvées à la chasse ou dans les fêtes,

Mais jamais ils ne voulurent reprendre
Ces têtes où brillaient leurs yeux,
Où les souvenirs dormaient dans leur cervelle.

Cela ne faisait peut-être pas l’affaire
Des chapeliers et des dentistes.
La gaîté des uns rend les autres tristes.

Les quatre sans cou vivent, c’est certain.
J’en connais un au moins un
Et peut-être aussi les trois autres.

Le premier, c’est Anatole,
Le second, c’est Croquignole,
Le troisième, c’est Barbemolle,
Le quatrième, c’est encore Anatole.

Je les vois de moins en moins,
C’est déprimant à la fin,
La fréquentation des gens trop malins .

Les quatre sans cou

Publicité
Publicité
Commentaires
B
@ Pastelle: je connais bien la légende du cavalier sans tête mais j'ignorais l'existence de cette chanson. Merci du tuyau.<br /> <br /> Bonne fin de soirée!
Répondre
P
Et pourquoi pas cette chanson pour accompagner certaines images... :)<br /> <br /> <br /> <br /> http://www.youtube.com/watch?v=1kNmpyhHmpY
Répondre
P
Génial ce poème. Je ne connaissais pas. Merci. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour les photos je suis perplexe, elles me font penser à quelqu'un... <br /> <br /> <br /> <br /> T'envoie un mail.
Répondre
K
Merci pour cette série ( que je revois aujourd'hui, avec le même plaisir et le même étonnement) de personnes d'allure si conformiste et qui, naturellement sans tête, ne manque de prêter à rire, à pleurer. Les beaux Quatre sans Cou c'est du Kafka enfin acclimaté, marocanisé, sans le moindre bavardage ni rhétorique inutile. Du beau monstrueux qui n'a désormais plus besoin de penser pour réellement exister.
Répondre
T
Superbe composition pour illustrer ce magnifique poèmes de Desnos.Belle journée.
Répondre
Publicité